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Auteur : Vandana SINGH – Traducteur :  Jean-Daniel Brèque – Couverture : Aurélien Police – Editions : Denoël, collection Lunes d’encre – Parution : 19/05/2016 – 277 pages – Prix : 20,90 € – Genre : Science-fiction, nouvelle

 

Quatrième de couverture :

Née en Inde, à New Delhi, fille de deux professeurs de littérature anglaise, Vandana Singh a grandi à l’ombre de Shakespeare et Keats. Devenue professeur de physique aux États-Unis, elle s’est tournée vers l’écriture, notamment la science-fiction et la fantasy, à cause de la richesse de ces genres et des possibilités qu’offrent leurs thématiques propres. Depuis 2002, elle a publié deux romans pour la jeunesse, une vingtaine de nouvelles et un court roman de science-fiction, Distances.
Dans ce recueil de dix nouvelles et un essai se déploie la sensibilité à part d’une auteure de science-fiction spéculative qui n’a de cesse de remettre l’Homme au centre du récit. On y observe un professeur de mathématiques qui aimerait comprendre les tensions interreligieuses qui déchirent son pays, un étrange tétraèdre subitement apparu dans les rues de New Delhi, une femme convaincue d’être une planète.
Avec ces textes poétiques, humanistes et parfois mélancoliques, Vandana Singh s’impose comme la digne héritière de Ray Bradbury et Theodore Sturgeon.

 

Mon avis :

Premier livre de l’auteur publié en France, après la publication de deux nouvelles dans Angle mort et dans Fiction. Ayant entendu beaucoup de bien de cet ouvrage, j’étais très curieuse de le découvrir. Il faut dire que rien que la couverture donne envie de le posséder. Pour cette lecture, j’ai été accompagnée par Blackwolf de Blog-O-Livre, avec qui je lis déjà les anthologies des Utopiales et des Imaginales.

  • Faim :

Première nouvelle, où l’on découvre la plume de l’auteur. Juste, belle, envoûtante. Pas vraiment d’imaginaire mais une description du fonctionnement de la société en Inde, vu de l’intérieur : la place des femmes, les carrières des hommes…. L’auteur fait également transparaître son amour de la science-Fiction.

  • Delhi : 

Encore un texte très surprenant, difficile d’en parler sans trop en dévoiler. Difficile à définir d’ailleurs : SF, fantastique, mainstream avec un personnage principal qui hallucine ? Inclassable. Et toujours des mots justes. Après un premier texte qui nous plonge dans la société indienne, le second continue notre immersion. Le héros évoque notamment les gens qu’il a détourné du suicide.

  • La femme qui se croyait planète :

J’ai adoré le début du texte où l’épouse parfaite pète un câble et décide qu’elle est une planète. C’est juste énorme et très bien écrit. L’occasion une fois de plus, pour l’auteur de dépeindre la société indienne avec ses codes très strictes et une place de la femme qui ne donne pas du tout envie d’y vivre. Mon enthousiasme est retombé quand le rêve/délire prend consistance.

  •  Infinités : 

Un texte complexe au premier abord, car il laisse une grande part à la discussion sur des mathématiques de haut niveau. La découverte de la société indienne est toujours bien présente, avec cette fois-ci les guerres de religion. Avec un peu de recul, je me suis dégagée de la recherche d’une compréhension totale des problèmes mathématiques et j’ai pu apprécié cette nouvelle et le magnifique « Sens of wonder » de l’auteur (merci Blackwolf pour le terme, il correspond parfaitement).

  •    Soif :

Attention : claque ! Difficile de retranscrire par écrit le plaisir que j’ai eu à lire ce texte. Vandana Singh nous offre un conte fantastique magnifiquement écrit autour de l’eau, des serpents et des femmes d’une même famille. Tout arrive à point nommé, les scènes se succèdent sans accroc. La place de la femme est une fois de plus le sujet central, mais cette fois-ci elle est très puissante tout en devant rentrer dans le carcan de la société indienne. Le texte est poétique, avec des pointes de réalisme. J’ai eu un véritable coup de cœur pour ce texte fascinant.

  • Les lois de la conservation :

Atterrissage difficile après le texte précédent. Celui-ci n’a rien à voir et donnerait presque l’impression d’avoir été écrit par quelqu’un d’autre s’il n’y avait pas ce rappel perpétuel à la civilisation indienne. Nous voilà en plein space opera, ça change. Un début de nouvelle assez classique puis après une rencontre avec un extra-terrestre ça part un peu en vrille. Et j’ai décroché. Il n’y avait plus ce lien entre les évènements, si évident dans les autres textes.

  •  Trois contes de la rivière du ciel : 

Trois textes qui respectent vraiment les caractéristiques des contes. Un premier où j’ai retrouvé cette touche si particulière de l’auteur, tout en poésie. Un second, qui ne m’a pas convaincu, ni au niveau de l’histoire, ni au niveau de la construction. Et un troisième un peu caricatural dans sa présentation de l’homme « mauvais » et d’un état naturel de départ « bon ». J’y ai quand même apprécié le passé des arbres et des pierres qui se déplaçaient allégrement et copulaient dans les sous-bois…

  • Le Tétraèdre :

Décidément cette lecture me fera vivre un grand huit avec un nouveau texte qui cette fois-ci m’a conquise. L’auteur arrive à mêler : des idées de trou de ver et de quatrième dimension, toujours des instantanés de la vie en Inde avec le problème des castes et la place de la femme (je ne l’ai pas précisé avant, une place vraiment pas terrible), un tétraèdre qui arrive dans le ciel de nulle part genre vaisseau extraterrestre, des observateurs à la Xfiles… le tout se mêlant superbement bien.

  • L’épouse : 

L’auteur aborde un nouveau sujet, les indiens expatriés aux États-Unis. Avec délicatesse elle parle du déracinement d’une indienne, épouse abandonnée, qui erre dans sa maison suite à son divorce. On retrouve sa plume si agréable, avec un texte étrange.

  • La chambre sur le toit :

Un texte un peu court, car les idées abordées auraient mérité d’être bien plus développées. On retrouve la problématique des femmes en Inde, avec un mari qui vole le travail artistique de sa femme. L’écriture est toujours aussi belle. Ce qui est surprenant c’est que cette histoire, qui semble principale, se retrouve au second plan, pour parler de la relation entre une artiste et deux enfants. Un peu de tendresse dans ce monde de brutes ( 😉 ).

  • Un manifeste spéculatif :

 Ce texte est très court sur les bienfait des littératures de l’imaginaire et si j’ai tendance à adhérer à la majeure partie des propos, l’auteur m’a quand même choquée en indiquant que 70% de la production de SF et de Fantasy était à jeter à la poubelle. Heureusement Blackwolf m’a fait remarquer qu’elle parlait de la production disponible aux USA, bien différente de ce que nous avons en France.

 

Pour conclure : J’ai été ravie de découvrir l’écriture de Vandana Singh. Si quelques nouvelles m’ont laissé indifférentes, j’ai retiré de ma lecture beaucoup de plaisir, notamment grâce aux nouvelles Soif, Le Tétraèdre et Faim. La plume de l’auteur est poétique. Elle dénonce à travers ses textes qui flirtent plus ou moins avec l’imaginaire, les systèmes de caste en Inde et la situation désastreuse dans laquelle se trouve les femmes, tout en partageant avec nous des détails de la vie quotidienne. Un dépaysement bienvenu dans le monde de la littérature de l’imaginaire et une écriture fascinante.

« En attendant, elle continua de lire ses romans de science-fiction, car, plus que jamais, ils lui semblaient refléter sa prise de conscience de l’étrangeté fondamentale du monde. Peu à peu, elle finit par comprendre que ces contes tentaient de lui communiquer d’une façon alambiquée une vérité fondamentale, qu’ils étaient tous rédigés dans une sorte de code, conçu pour tromper les snobs littéraires et égarer les lecteurs distraits. »

 

 L’avis de Blackwolf.

D’autres avis chez : LuneNebal, Vert

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