Infinités de Vandana Singh

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Auteur : Vandana SINGH – Traducteur :  Jean-Daniel Brèque – Couverture : Aurélien Police – Editions : Denoël, collection Lunes d’encre – Parution : 19/05/2016 – 277 pages – Prix : 20,90 € – Genre : Science-fiction, nouvelle

 

Quatrième de couverture :

Née en Inde, à New Delhi, fille de deux professeurs de littérature anglaise, Vandana Singh a grandi à l’ombre de Shakespeare et Keats. Devenue professeur de physique aux États-Unis, elle s’est tournée vers l’écriture, notamment la science-fiction et la fantasy, à cause de la richesse de ces genres et des possibilités qu’offrent leurs thématiques propres. Depuis 2002, elle a publié deux romans pour la jeunesse, une vingtaine de nouvelles et un court roman de science-fiction, Distances.
Dans ce recueil de dix nouvelles et un essai se déploie la sensibilité à part d’une auteure de science-fiction spéculative qui n’a de cesse de remettre l’Homme au centre du récit. On y observe un professeur de mathématiques qui aimerait comprendre les tensions interreligieuses qui déchirent son pays, un étrange tétraèdre subitement apparu dans les rues de New Delhi, une femme convaincue d’être une planète.
Avec ces textes poétiques, humanistes et parfois mélancoliques, Vandana Singh s’impose comme la digne héritière de Ray Bradbury et Theodore Sturgeon.

 

Mon avis :

Premier livre de l’auteur publié en France, après la publication de deux nouvelles dans Angle mort et dans Fiction. Ayant entendu beaucoup de bien de cet ouvrage, j’étais très curieuse de le découvrir. Il faut dire que rien que la couverture donne envie de le posséder. Pour cette lecture, j’ai été accompagnée par Blackwolf de Blog-O-Livre, avec qui je lis déjà les anthologies des Utopiales et des Imaginales.

  • Faim :

Première nouvelle, où l’on découvre la plume de l’auteur. Juste, belle, envoûtante. Pas vraiment d’imaginaire mais une description du fonctionnement de la société en Inde, vu de l’intérieur : la place des femmes, les carrières des hommes…. L’auteur fait également transparaître son amour de la science-Fiction.

  • Delhi : 

Encore un texte très surprenant, difficile d’en parler sans trop en dévoiler. Difficile à définir d’ailleurs : SF, fantastique, mainstream avec un personnage principal qui hallucine ? Inclassable. Et toujours des mots justes. Après un premier texte qui nous plonge dans la société indienne, le second continue notre immersion. Le héros évoque notamment les gens qu’il a détourné du suicide.

  • La femme qui se croyait planète :

J’ai adoré le début du texte où l’épouse parfaite pète un câble et décide qu’elle est une planète. C’est juste énorme et très bien écrit. L’occasion une fois de plus, pour l’auteur de dépeindre la société indienne avec ses codes très strictes et une place de la femme qui ne donne pas du tout envie d’y vivre. Mon enthousiasme est retombé quand le rêve/délire prend consistance.

  •  Infinités : 

Un texte complexe au premier abord, car il laisse une grande part à la discussion sur des mathématiques de haut niveau. La découverte de la société indienne est toujours bien présente, avec cette fois-ci les guerres de religion. Avec un peu de recul, je me suis dégagée de la recherche d’une compréhension totale des problèmes mathématiques et j’ai pu apprécié cette nouvelle et le magnifique « Sens of wonder » de l’auteur (merci Blackwolf pour le terme, il correspond parfaitement).

  •    Soif :

Attention : claque ! Difficile de retranscrire par écrit le plaisir que j’ai eu à lire ce texte. Vandana Singh nous offre un conte fantastique magnifiquement écrit autour de l’eau, des serpents et des femmes d’une même famille. Tout arrive à point nommé, les scènes se succèdent sans accroc. La place de la femme est une fois de plus le sujet central, mais cette fois-ci elle est très puissante tout en devant rentrer dans le carcan de la société indienne. Le texte est poétique, avec des pointes de réalisme. J’ai eu un véritable coup de cœur pour ce texte fascinant.

  • Les lois de la conservation :

Atterrissage difficile après le texte précédent. Celui-ci n’a rien à voir et donnerait presque l’impression d’avoir été écrit par quelqu’un d’autre s’il n’y avait pas ce rappel perpétuel à la civilisation indienne. Nous voilà en plein space opera, ça change. Un début de nouvelle assez classique puis après une rencontre avec un extra-terrestre ça part un peu en vrille. Et j’ai décroché. Il n’y avait plus ce lien entre les évènements, si évident dans les autres textes.

  •  Trois contes de la rivière du ciel : 

Trois textes qui respectent vraiment les caractéristiques des contes. Un premier où j’ai retrouvé cette touche si particulière de l’auteur, tout en poésie. Un second, qui ne m’a pas convaincu, ni au niveau de l’histoire, ni au niveau de la construction. Et un troisième un peu caricatural dans sa présentation de l’homme « mauvais » et d’un état naturel de départ « bon ». J’y ai quand même apprécié le passé des arbres et des pierres qui se déplaçaient allégrement et copulaient dans les sous-bois…

  • Le Tétraèdre :

Décidément cette lecture me fera vivre un grand huit avec un nouveau texte qui cette fois-ci m’a conquise. L’auteur arrive à mêler : des idées de trou de ver et de quatrième dimension, toujours des instantanés de la vie en Inde avec le problème des castes et la place de la femme (je ne l’ai pas précisé avant, une place vraiment pas terrible), un tétraèdre qui arrive dans le ciel de nulle part genre vaisseau extraterrestre, des observateurs à la Xfiles… le tout se mêlant superbement bien.

  • L’épouse : 

L’auteur aborde un nouveau sujet, les indiens expatriés aux États-Unis. Avec délicatesse elle parle du déracinement d’une indienne, épouse abandonnée, qui erre dans sa maison suite à son divorce. On retrouve sa plume si agréable, avec un texte étrange.

  • La chambre sur le toit :

Un texte un peu court, car les idées abordées auraient mérité d’être bien plus développées. On retrouve la problématique des femmes en Inde, avec un mari qui vole le travail artistique de sa femme. L’écriture est toujours aussi belle. Ce qui est surprenant c’est que cette histoire, qui semble principale, se retrouve au second plan, pour parler de la relation entre une artiste et deux enfants. Un peu de tendresse dans ce monde de brutes ( 😉 ).

  • Un manifeste spéculatif :

 Ce texte est très court sur les bienfait des littératures de l’imaginaire et si j’ai tendance à adhérer à la majeure partie des propos, l’auteur m’a quand même choquée en indiquant que 70% de la production de SF et de Fantasy était à jeter à la poubelle. Heureusement Blackwolf m’a fait remarquer qu’elle parlait de la production disponible aux USA, bien différente de ce que nous avons en France.

 

Pour conclure : J’ai été ravie de découvrir l’écriture de Vandana Singh. Si quelques nouvelles m’ont laissé indifférentes, j’ai retiré de ma lecture beaucoup de plaisir, notamment grâce aux nouvelles Soif, Le Tétraèdre et Faim. La plume de l’auteur est poétique. Elle dénonce à travers ses textes qui flirtent plus ou moins avec l’imaginaire, les systèmes de caste en Inde et la situation désastreuse dans laquelle se trouve les femmes, tout en partageant avec nous des détails de la vie quotidienne. Un dépaysement bienvenu dans le monde de la littérature de l’imaginaire et une écriture fascinante.

« En attendant, elle continua de lire ses romans de science-fiction, car, plus que jamais, ils lui semblaient refléter sa prise de conscience de l’étrangeté fondamentale du monde. Peu à peu, elle finit par comprendre que ces contes tentaient de lui communiquer d’une façon alambiquée une vérité fondamentale, qu’ils étaient tous rédigés dans une sorte de code, conçu pour tromper les snobs littéraires et égarer les lecteurs distraits. »

 

 L’avis de Blackwolf.

D’autres avis chez : LuneNebal, Vert

n°5

Anthologie Utopiales 2015

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Ouvrage sous la direction de Jérôme Vincent – Edition : ActuSF, collection : Les trois souhaits – Parution : novembre 2015 –  408 pages – Prix : 15 € – Genre : Sf, nouvelles

  

Quatrième de couverture :

Construite autour de la thématique « Réalité », cette anthologie officielle des Utopiales, septième du nom chez Actusf, va vous entraîner dans des jungles mystérieuses avec Fabien Clavel, sur un monde aux mœurs singulières avec M. R. Carey ou encore à la rencontre d’êtres venus d’ailleurs avec Laurent Queyssi… Vous y croiserez également d’anciens pilotes communistes qui ont vu des OVNI pendant la Deuxième Guerre mondiale, des petits robots fugueurs, de vieux copains de bistrot aux paris un peu fous et alcoolisés et des maisons en réalité virtuelle à l’intérieur desquelles tout est possible…

Sans oublier Alain Damasio qui nous offre une belle avant-première avec le premier chapitre inédit de son futur roman, Fusion.

Êtes-vous sûr de votre réalité ? Sont-ils vivants et nous morts ?

Treize nouvelles pour douter de tout…

 

Mon avis :

Qui dit Utopiales dit anthologie et dorénavant la traditionnelle lecture commune avec Blackwolf. Auteurs différents, univers différents… je vous parlerai donc des nouvelles une à une.

 

« Réalités » – Préface de Sylvie Lainé et Roland Lehoucq

Sylvie Lainé et Roland Lehoucq détaillent les différents types de réalité existant, de façon légère et non scolaire. On sent bien la patte des scientifiques. Même si les thèmes abordés ne sont pas toujours faciles à comprendre, c’est une préface impressionnante, de qualité, de grande classe.

 

« Les yeux en face des trous » – Alain Damasio (INÉDIT)

Ah la la, point de nouvelle ici, mais le premier chapitre du nouveau roman de Alain Damasio. C’est un peu sadique, car à la fin, une seule envie, continuer. Un bémol sur la typographie, on retrouve la touche Damasio avec des bulles de textes qui se promènent sur les pages, des tailles différentes… mais je n’ai pas trouvé que cela apportait grand-chose. Peut-être sur la longueur, sera-t-elle plus enrichissante pour le récit ? L’histoire a un petit côté déjà vu (le partage de la mémoire d’autrui), mais quelle plume ! Le style est impressionnant. En un seul chapitre on devine déjà la richesse des personnages, leur profondeur. On découvre une amitié qui réchauffe le cœur et un croquemitaine qui fait sacrément peur. Vivement la sortie du livre !

« Immersion » – Aliette de Bodard (traduction de Bastien Duval et Antoine Mottier)

Comme le texte précédent, cette nouvelle donne presque l’impression d’être également un premier chapitre ! En effet l’univers est très riche et l’auteur développe un concept « d’immerseur » passionnant (il permet à l’utilisateur d’être une personne « augmentée »). J’avais donc envie de voir le texte plus développé. J’étais frustrée à la fin de ne pas savoir ce qui arrivait à l’héroïne. J’aurai bien voulu enchaîner avec un roman. Ce qui est sûr, c’est que maintenant,  je vais lire d’autre textes de l’auteur (enfin le peu qui a été traduit) !

 

« Welcome Home » – Jérôme Noirez (INÉDIT)

Voilà une nouvelle déjantée, complètement trash. Un bon exutoire après une journée pourrie, je me suis franchement bien marrée. Même si le concept est très intéressant et très riche (les personnes fortunées possèdent des espaces en dehors de la réalité ou aucune loi ne s’applique), le format nouvelle convient bien. Il y aurait matière à  développer les concepts de juge, de conscience, de loi. La subréalité décrite est un très bon terreau pour tout cela. Au lecteur de s’arrêter au niveau de lecture qui lui convient.

 

« Un demi bien tiré » – Philippe Curval

Où quand tu te retrouves à demander à ton binôme de lecture de t’expliquer la nouvelle… qu’il te fait un cours sur le paradoxe de Zénon et que tu comprends vaguement… donc si vous le connaissez, le délire de deux piliers de bar cherchant à tester ce paradoxe vous intéressera sans doute, autrement c’est un peu ardu.

 

« Dieu, un, zéro » – Joël Champetier

Voici une nouvelle beaucoup plus convenue. L’écriture est agréable à lire, mais j’ai trouvé la première partie beaucoup trop développée alors qu’elle n’apporte rien à l’histoire (histoire de la vie du mathématicien qui va être embauché dans un laboratoire secret de robotique). L’auteur plante son personnage comme dans un roman, or il n’a que le temps de la nouvelle. Les idées sont intéressantes, mais quelques incohérences sont venues troubler ma lecture. La fin toute mimi rachète un peu tout cela.

 

« Les aventures de Rocket Boy ne s’arrêtent jamais » – Daryl Gregory (traduction de Claire Kreutzberger)

Pas de SFFF* ici, mais un garçon fan de SF, qui s’y réfugie pour supporter sa vie. L’auteur nous raconte avec justesse ce drame. Il ne tombe jamais dans la facilité et relate toute l’injustice de la vie. Chaque mot est pesé et tombe juste. Pas de happy end, pas de mélodrame, « juste » une nouvelle qui vous donne une sacrée claque ! 

 

« Le vert est éternel » – Jean-Laurent Del Socorro (INÉDIT)

Je n’ai pas lu le roman Royaume de vent et de colères, dans l’univers duquel se passe la nouvelle, mais ce n’était pas gênant. Le texte est bien écrit, il nous présente une autre vision de l’Edit de Nantes, mais il ne m’a pas emporté. Je cherche encore le rapport avec le thème de l’anthologie.

 

« Coyote Creek » – Charlotte Bousquet (INÉDIT)

Autre texte hors SFFF, qui aborde de façon originale la maladie d’Alzheimer. La narration par la malade rend le texte très touchant.

 

« Intelligence extra-terrestre » – Stéphane Przybylski (INÉDIT)

On retrouve la façon très particulière de l’auteur de présenter ses récits, avec des alternances entres différentes époques, différents personnages. Si pour un roman, cela est intéressant, j’ai trouvé qu’au format nouvelle cela rendait la lecture difficile. Le texte est trop court pour se faire à ce format et pour pouvoir entrer dans l’histoire. Ayant lu le premier tome du Château des millions d’années, j’ai pu m’y retrouver dans le récit. Sans cette lecture, j’aurai été perdue.

 

« Pont-des-Sables » – Laurent Queyssi (INÉDIT)

Cette nouvelle rappelle celle de Daryl Gregory, mais en moins noir (une bande d’amis, qui va être confrontée à un drame). Ici une pointe d’imaginaire, mais surtout beaucoup de référence à la SF. La narration est très agréable. Lors de la lecture, on se pose beaucoup de questions, notamment sur les motivations des personnages. Ce ne sont pas des interrogations d’incompréhension, mais d’intérêt pour le récit. Il y a beaucoup de sentiments, mais emplis de pudeur. En bref, une lecture très agréable qui donne envie de lire l’auteur.

 

« Versus » – Fabien Clavel (INÉDIT)

Une nouvelle rapide et efficace. La fin est prévisible, mais le tout est très agréable à lire. Du fun, du dynamisme.

 

« Smithers et les fantômes du Thar » – Robert Silverberg (traduction d’Éric Holstein – INÉDIT)

Je m’attendais à de la SF, mais en fait c’est une nouvelle fantastique, qui rappelle les textes de la fin du 19ème siècle, début du 20ème. L’introduction est un peu longue, mais plonge bien le lecteur dans l’univers. C’est bien écrit, mais il y comme un goût de déjà vu et je n’ai pas accroché plus que ça.

 

« Visage » – Mike Carey (traduction de Sylvie Denis – INÉDIT)

Une autre nouvelle que j’ai apprécié. Il y a beaucoup de recherche et l’auteur nous propose un monde très particulier, bien développé (avec des maisons « champignons » qui m’ont beaucoup plu). Il utilise un concept de « visage confisqué », qui est très intéressant. Le lecteur pourra bien entendu faire un parallèle avec le voile, ou pas. En tout cas cette nouvelle provoque énormément de réflexion et j’ai aimé l’écriture de Mike Carey.

 

Pour conclure, cette année mon ressenti global est plutôt positif. Plusieurs textes m’ont énormément plu et ont éclipsé d’autres nouvelles qui m’ont laissée plus indifférente. 

 

La chronique de Blackwolf sur blog-O-Livre.

 

 * : Science-Fiction Fantasy Fantastique

 

D’autres avis chez : Xapur, Boudicca, Vert, Bibliocosme

Retour sur l’anthologie de 2012, de 2013 et de 2014.

n°4 n°1 U

Futurs insolites anthologie dirigée par Jean-François Thomas et Elena Avdija

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Anthologistes : Jean-François Thomas et Elena Avdija  – Edition : Hélice Hélas  – Parution : 10/02/16  –  386 pages – Prix : 24 € – Genre : Science-Fiction, nouvelles

Auteurs : Emanuelle Maia, Nicolas Alucq, Vincent Gerber, Adrien Bürki, Jean-Marc Ligny, François Rouillier, Anthony Vallat, Denis Roditi, André Ourednik, Florence Cochet, Julien Chatillon-Fauchez, Bruno Pochesci, Gulzar Joby, Olivier Sillig.

 

Quatrième de couverture :

Dans un futur plus ou moins lointain, qui peut dire ce qu’il restera de la Confédération helvétique ?

Qu’adviendra-t-il de ce fier pays abritant un peuple hétéroclite, scindé en autant de cultures que de cantons divers et variés, mi-ville mi-campagne, à la fois poli et polyglotte, à la bureaucratie aiguisée et impeccable, à la technologie et au tourisme rentables et même florissants, à l’armée de milice indispensable et indéfectible, aux multinationales si bien implantées, à la neutralité à toute épreuve, au secret bancaire si bien conservé, aux paysages et à la prospérité subjuguant touristes, migrants et expatriés de tous horizons… ?

En partant de la Suisse qu’ils côtoient tous les jours (pour les résident·es hélvétiques) ou qu’ils observent de loin (pour les français·es et suisses expartié·es), 14 auteur-es détournent la Suisse dans l’Imaginaire. Chacun-e, avec son style, son genre, met à jour et extrapole dans cette anthologie certains traits perçus « typiquement » helvétiques ; nos façons de vivre, de mourir, de considérer le monde, de l’organiser etc. Sous couvert d’anticipation, à l’aide de ce laboratoire, c’est une plongée dans l’auto-réflexion nationale que propose cet ouvrage.

 

Mon avis :

Cette lecture m’a été proposée lors des Utopiales. Mon emploi du temps ayant été bousculé entre la fin d’année et le début de la nouvelle, je ne l’ai attaquée qu’en avril. Et me voilà trois mois plus tard sur la rédaction de ma chronique. Je n’ai pas été séduite à la fin de ma lecture , j’ai donc laissé le temps à mes idées de se poser. Les auteurs étant différents, ainsi que mes ressentis, je vais traiter les nouvelles une part une.

 

  • Préface de Elena Avdija et Jean-François Thomas :

Les anthologistes présentent clairement le pourquoi du comment de cette anthologie, de même que sa contrainte : « Il s’agira d’un livre interrogeant la société helvétique, et il sera ouvert à toutes et à tous ». Ne soyez donc pas surpris de trouver Jean-Marc Ligny au sommaire (seul auteur de l’anthologie que je connaissais d’ailleurs). La Suisse est entrevue comme un laboratoire d’imagination et de pensée futuriste.

  • Helvé… ciao d’Emmanuelle Maia

Le contexte de la nouvelle n’est pas sans rappeler la problématique de gestion des politiques migratoires actuelle. Ici pas de bête fermeture des frontières mais carrément une puce qui permet l’accès, ou pas, à la suisse ! La première moitié de la nouvelle m’a beaucoup plu et surpris, la seconde est plus classique et attendue. Une bonne lecture avec une écriture très agréable.

  • Alleingang de Nicolas Alucq

 Cette nouvelle m’a laissée sur le bas-côté de ses batailles intergalactiques. Deux sociétés s’affrontent, des egos également.

  • SuissID de Vincent Gerber

Un sujet glauque mais très bien traité et avec de l’humour, j’adore ! Nous suivons les actions de la SuisseID qui propose du suicide accompagné. Attention pas de retour possible… Le suicide présenté comme un service comme les autres, décapant.

  •  Rhodanish Elektrik AG d’Adrien Bürki

Une bonne idée de départ, avec un barrage immense, démentiel, qui fait tout le Valois. Mais deux histoires différentes vont se télescoper sans que la seconde apporte plus que ça au texte. La première : le barrage qui vieilli et qui va s’autodétruire, la seconde : des factions rebelles pas très futées…

  •  Mission divine de Jean-Marc Ligny

Ce texte est un spin off de Exodes et on peut dire qu’il m’a sacrément donné envie de lire le livre !  La nouvelle est très noire et ne nous rassure pas quant à l’espèce humaine.

  •  La Mémoire de Lo de François Rouiller

 Hum… fouille archéologique, mémoire de l’eau, soirée orgiaque… et on mélange le tout, pour une lecture qui m’a laissée dubitative.

  •  Là où croît le pays d’Anthony Vallat

Une idée assez intéressante, une Suisse reconstituée, utilisée comme parc d’attraction typique pour des populations intergalactique. Mais pourquoi plaît-elle autant ? Parce qu’elle fait pays.

  • Exit de Denis Roditi

On retrouve dans ce texte, la thématique du suicide assisté. L’idée de proposer une téléréalité avec des suicidaires prend alors tout son sens. Cette suisse du futur n’est pas rassurante. Pour profiter de la vie, une drogue a été inventée afin de la ralentir et de profiter de chaque instant. Une nouvelle moins jubilatoire que celle de Vincent Gerber, mais qui présente une vision du futur très intéressante.

  • Audemars, le ver d’André Ourednik

On rebondit sur la vision du temps avec ici une société basée sur l’instant présent et l’oubli. Mais la fin vient casser ce concept si bien déroulé dans la nouvelle. Pourquoi ne pas être allé jusqu’au bout?

  • Issue de secours de Florence Cochet

Suicide, à nouveau. Le texte est très court et bien écrit. Le suicide assisté est ici proposé dans l’espace. (A force je me suis renseignée sur ce qui est proposé en Suisse, où en effet le suicide assisté est légal).

  • Vreneli de Julien Chatillon-Fauchez

Ce récit de guerre galactique est très bien écrit et passionnant ! La Suisse se retrouve prise en sandwich entre deux nations, du fait d’un hasard de développement commercial. La solution de fin de conflit proposée est très amusante et fait un gros clin d’œil à la suisse actuelle.

  • Sketches helvétiques de Bruno Pochesci

Le train fou de cette nouvelle ne m’aura pas emmenée en voyage, je dirai même que je suis restée sur le quai.

  • La vallée perdue de Gulzar Joby

 Une nouvelle gentillette, avec des géants. L’histoire est parfois maladroite.

  • Baptistin de Olivier Sillig

 Un spationaute  qui échange sa place avec un pauvre hère du moyen âge. Tout est dit.

  • Post face

Texte assez complexe, un peu trop conceptuel pour moi.

 

Pour conclure, la lecture s’est avérée inégale avec certains textes qui m’ont carrément ennuyée, d’où le ressenti global négatif. Heureusement, certains sortent positivement du lot comme SuissID de Vincent Gerber, Mission divine de Jean-Marc Ligny et Vreneli de Julien Chatillon-Fauchez, ou encore Exit de Denis Roditi.

 

n°6 n°2 X

Feuillets de cuivre de Fabien Clavel

ID :

Auteur : Fabien Clavel –  Editions  ActuSF, collection Les Trois Souhaits  – Parution : 06/11/2015 – 344  pages – prix :  20 € – genre : policier, Steampunk, fantastisque

 

Quatrième de couverture:

Paris, 1872. On retrouve dans une ruelle sombre le cadavre atrocement mutilé d’une prostituée, premier d’une longue série de meurtres aux résonances ésotériques. Enquêteur atypique, à l’âme mutilée par son passé et au corps d’obèse, l’inspecteur Ragon n’a pour seule arme contre ces crimes que sa sagacité et sa gargantuesque culture littéraire. À la croisée des feuilletons du XIXe et des séries télévisées modernes, Feuillets de cuivre nous entraîne dans des Mystères de Paris steampunk où le mal le dispute au pervers, avec parfois l’éclaircie d’un esprit bienveillant… vite terni. Si une bibliothèque est une âme de cuir et de papier, Feuillets de cuivre est sans aucun doute une œuvre d’encre et de sang.

Mon avis :

Fabien Clavel a déjà publié de nombreux livres. Ma découverte de ses textes n’en est qu’à ses débuts (Métro Z), bien que je le trouve passionnant dans les tables rondes où j’ai pu le voir. Je poursuis donc ma découverte avec son dernier livre publié.

Celui-ci est un peu à part, du fait de sa construction atypique. Je rentre dans le cœur du sujet, ne m’attardant pas sur la préface savante qui nous parle du Steampunk, il faudrait que je la relise à tête reposée. Atypique, car la première partie du livre est constituée de nouvelles, qui même si elles présentent des protagonistes récurrents, dont le héros l’inspecteur Ragon, elles semblent totalement indépendantes ; le lien se faisant entre tous les textes dans la deuxième partie. Cette construction originale fonctionne très bien et si j’ai trouvée la lecture de la première partie plaisante, j’ai adoré la seconde. Rassurez-vous, si vous avez encore des interrogations à la fin de votre lecture, la postface devrait vous éclairer.

Il y a donc plusieurs petites histoires au sein d’une plus grande. Elles m’ont fait penser dans leur déroulement aux enquête policière d’Agatha Christie : les scènes s’enchaînent et tout à coup la lumière est faite, l’énigme du meurtre expliquée,  alors que le lecteur était bien loin d’avoir tout compris. Il est en effet question de meurtres, d’enquêtes … mais celle-ci sont très particulières, car leur résolution repose toujours sur les livres. Cela ne pouvait que me plaire !

Le côté policier du texte n’est qu’une partie de ce qui fait sa richesse. L’univers dans lequel nous plonge Fabien Clavel est fascinant. Il nous emmène des bas-fonds de Paris, décrits avec précision (certaines scènes sont d’ailleurs assez crues), aux cliniques psychiatriques pour personnes fortunées ou célèbres. Une touche steampunk vient colorer le tout avec l’utilisation de l’éther. Enfin, l’ambiance générale n’est pas sans rappeler les romans gothiques anglais.

Un autre point qui m’a fortement marquée, est la profusion d’extraits de livres dits classiques, les citations, ou encore les évocations d’auteurs, comme Maupassant, Jules Vernes. Tout cela me donnant une furieuse en vie de les lire ou de les relire.

Il faut dire que le style de l’auteur est très riche, tout en étant facile à lire. La qualité de son écriture donne vraiment envie de découvrir ses autres romans.

Les personnages sont nombreux, chacun ayant le droit à une description détaillée. Je m’attarderais sur notre héros, Ragon, un être touchant. On le découvre jeune enquêteur, puis on suit son évolution au sein de la police, dont il gravit petit à petit les échelons. Ce policier passionné de livres est à part, que ce soit dans son comportement, il va épouser une fille de joie, que dans son physique, il souffre d’obésité ou encore que dans sa façon d’enquêter, tout repose sur les livres.

Pour conclure, voilà un livre à la construction originale, qui  m’a changé avec plaisir de mes lectures plus linéaires. J’ai été séduite par son ambiance gothique teintée de steampunk, ses enquêtes ayant pour pivot la littérature et les livres et son héros amoureux des livres. Le style de Fabien Clavel est très agréable à lire et son érudition passionnante. L’histoire était en plus trépidante ! Une très bonne lecture qui ne donne qu’une envie une fois terminée : lire encore plus !

« Une bibliothèque, c’est une âme de cuir et de papier. Il n’y a pas meilleur moyen pour fouiller dans les tréfonds d’une psyché que de jeter un œil aux ouvrages qui la composent. La sélection, le rangement, le contenu, même la qualité de la reliure : tous les détails sont importants. »

« C’était une véritable forteresse de bois, de cuir et de papier qu le commissaire s’était bâtie contre le monde extérieur. Elle faisait le pendant de son blindage de graisse. Ainsi son cœur, bien au chaud dans son carcan de saindoux, demeurait toujours à l’abri. »

D’autres avis chez : Blackwolf, Lorhkan, Bibliocosme

n°42    n°3

Trolls & Licornes : anthologie 2015 des Imaginales dirigée par Jean-Claude Dunyach

ID :

Direction : Jean-Claude Dunyach – Auteurs :  Raphaël Albert, Pierre Bordage, Lionel Davoust, Jeanne A. Debats, Silène Edgar, Estelle Faye, Sophie Jomain, Sylvie Miller et Philippe Ward, Olivier Paquet, Adrien Tomas –  Editions : Mnemos   – Parution :  05/06/15 – 206 pages – prix : 18€ – genre : nouvelles, Fantasy

 

Quatrième de couverture:

Quoi de commun entre la lourdeur disgracieuse d’un troll et la noble légèreté d’une licorne ? Entre une créature que la légende populaire associe à la virginité et une autre qui patauge dans la boue des bas-fonds ? Dix auteurs (dont un bicéphale) ont imaginé des rencontres improbables entre ces deux figures classiques de l’imaginaire, pour bousculer un brin les évidences et rappeler que les contes sont faits pour être détournés. L’anthologie comporte des textes plus gais que désespérants, l’époque ayant bien besoin de tendresse, d’humour et de licornes. De trolls aussi, soyons justes…

 

Quelques mots : 

Voici venu le temps des rires et de la traditionnelle lecture commune post Imaginales!!! Qui, que, quoi? hein ? Je vous explique : pour la troisième année consécutive, je lis l’anthologie des Imaginales en lecture commune avec Snow et Blackwolf. Un grand moment de l’année, à n’en pas douter. Je n’avais toujours pas écouté la table ronde des Imaginales qui présentait l’anthologie, heureusement les podcast d’actuSF sont là, donc je ne savais pas à quoi m’attendre, à part à des Licornes et des Trolls bien sûr!

Mon avis :

Ne changeons pas les recettes qui gagne, je vais vous parler des textes un à un :

  • Préface de Jean-Claude Dunyach

Changement cette année, après trois ans de duo Davoust-Miller, c’est au tour de Jean-Claude Dunyach de diriger l’anthologie. La préface nous met bien en appétit, avec un début très sérieux sur l’histoire des trolls et des licornes, mais qui dérape vite vers les blagues de second degré et quelques allusions scabreuses, pour notre plus grand bonheur. Une préface qui m’a m’a beaucoup plu et très prometteuse.

 

  • Jötnar de Jeanne-A Debats

J’ai été un peu perdue au début de ma lecture. Suite à la préface, je ne sais pas pourquoi,  j’ai cru que l’auteur allait partir sur une parodie. Que nenni, ici le récit est très sérieux, construit comme les mythologies nordiques. Le texte est vraiment très bien écrit et à la fin de la nouvelle, on a l’impression d’avoir lu un livre entier. Le bémol, je bloque un peu sur la mythologie, le plus, une licorne bien loin des  » gentilles licornes ».

 

  • La chasse à la licorne d’Estelle Faye

Ce texte m’a beaucoup plus ! Je me suis laissée bernée par l’auteur, sur l’identité de la licorne, même si Blackwolf avait tout compris, lui.  Une nouvelle dans un univers classique de fantasy, qui m’a bien fait sourire. Il y a deux duos, les méchants et les gentils. Les gentils sont très sympathiques et marrant, les méchants (les nobliaux) se font rouler et c’est délectable.

 

  •  Ekasrinn de Pierre Bordage

Les nouvelles de Pierre Bordage m’avaient laissée de marbre dans les deux précédentes anthologies. Quelle surprise avec celle-ci! L’auteur nous propose un troll humain, sous la forme d’un jeune de banlieue particulièrement agressif. Certes il utilise pas mal de raccourcis pour décrire les banlieues (genre le meilleur ami qui est parti en terre sainte…), la licorne aurait sans doute été plus intéressante si elle avait été moins réelle… mais mon petit côté fleur bleue s’est laissé attendrir par le discours sur l’amour et j’ai trouvé le personnage principal très bien décrit, ainsi que les rapports humains foireux. En tout cas cette nouvelle qui prend la forme d’un conte moderne, est originale.

 

  • Bienvenue à Magicland de Lionel Davoust

Ah! Du fun, beaucoup de fin avec cette nouvelle!!! Le troll de l’histoire travaille dans un parc animalier et s’occupe des licornes. Voilà pour le décors Au passage, je précise que les licornes pètent des arc-en-ciel, envoi des nuages de paillettes quand elles se déplacent…. elles ont donc tout le côté « mimi » du stéréotype de la licorne moderne, mais elles sont aussi carnivores, là on retrouve le côté plus mythologique du bestiaux. En tout cas, cela fait un joyeux mélange. Notre troll ayant beaucoup d’états d’âme, nous allons le suivre dans ses séances de psychanalyse. C’est très bien trouvé. Avec beaucoup d’humour, Lionel Davoust nous donne quelques pistes de réflexion sur ces fameux parcs animaliers. Le bonus : le secret de la reproduction de la licorne.

 

  • Touellerezh de Olivier Paquet

Voici une nouvelle un peu frustrante. En effet, l’auteur nous propose un scénario intéressant, ici on touche plus à l’urban fantasy avec une licorne conseillère de la royauté, avec de nombreuses idées, de la magie… Mais parfois les transitions sont un peu bancales et l’histoire s’avère en fait trop condensée. Donc une nouvelle frustrante, car j’ai le sentiment qu’il y avait de quoi faire beaucoup plus avec ce texte.  Mais j’ai quand même passé un bon moment.

 

  • Le troll médecin de Silène Edgar

Ce texte est écrit à partir du texte de Molière, que je ne connaissais pas. Donc pas de comparaison possible pour moi. J’ai surtout apprécié le début où le monde est présenté. Il est très originale, assez caricaturale certes, mais drôle (les trolls sont les lettrés de l’histoire, les licornes sont belles, mais stupides). La fin m’a moins passionnée, mais elle portait bien la réflexion sous-jacente. En effet, l’auteur nous propose un texte sur l’importance de la lecture, de l’éducation, porté par une nouvelle amusante.

 

  •  Le double destin du taquin  (ou Comment parfois reculer au lieu de jouer au Malin pour ne pas se faire… Bousculer) de Raphaël Albert

Le recueil mérite d’être lu rien que pour cette nouvelle! Sous la forme d’un poème, l’auteur nous narre les déboires d’un farfadet. Oui, vous avez bien lu, un poème, alternant vocabulaire châtié et argot, bourré d’humour. C’est simple, j’ai rigolé tout du long. Les rimes sont riches (empalement, dans le fondement) et la chute (douloureuse pour certain) surprenante !

 

  • Les yeux du troll de Sophie Jomain

Cette nouvelle est très mignonne. C’est un conte pour enfant. La forme est très classique, la fin sans surprise. Même si c’est très bien écrit, cela fait très bizarre après le texte de Raphaël Albert.

 

  •  Trolls, Licornes et Bolognaise de Adrien Tomas

L’auteur reprend tous les stéréotypes de l’urban fantasy, versant héroïne badass, pour mon plus grand bonheur. Je lirais avec plaisir un texte plus long avec la même héroïne. Le gros bémol, c’est la fin. Elle est très rapide, genre j’ai aqua-poney, il faut que je vous laisse, vite il faut que je conclue. Le petit bémol, ça manque de baston.

 

  • Dans la tête de Georg Trollevitch de Sylvie Miller et Philippe Ward

Les auteurs nous présentent une sorte de fan fiction des Imaginales, dont les personnages principaux sont des auteurs régulièrement présents et un fan incontournable. Même si j’ai apprécié reconnaître les lieux, les personnes, j’avoue ne pas avoir accroché à l’humour, un peu trop scatologique à mon goût.

 

En conclusion, une anthologie sans mauvaise surprise, avec des textes très variés que ce soit dans le style que dans les histoires. Le niveau global est plutôt bon et j’ai apprécié la plupart des univers développés, avec un coups de cœur pour la nouvelle de Raphaël Albert. A l’année prochaine pour l’anthologie 2016 !

 

Les avis de mes co-lecteurs de choc : Snow, Blackwolf.

D’autres avis chez : Bibliocosme

 

Bonus :

Vous n’aurez pas la teneur de nos échanges, mais en vrac je peux vous dire que nous avons parlé de : courgettes, messagerie rose, rats, mariage, tupperware, chat….mais aussi urban fantasy, lecture en VO….

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