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Auteur : Serge Brussolo – Collection Folio SF (n° 465), Gallimard – Parution : 31-10-2013 – 560p – Prix : 8,90€ – Genre : SF – Nouvelle

Quatrième de couverture :

Villes malades où des ordinateurs s’affrontent en combats souterrains à coups de munitions humaines. H.L.M. de cauchemar dont les locataires, nus, s’exposent aux piqûres de mystérieuses mouches. Camp où les prisonniers sont soumis à d’insupportables séances d’irradiation. Musée gigantesque dont personne n’a jamais vu les limites. Tour-dispensaire insalubre surplombant une réserve de paysans souffrant d’étranges troubles de la personnalité… C’est à un trajet baroque et cruel que vous convie ce recueil, sur les traces d’un auteur alors en devenir, aujourd’hui culte : Serge Brussolo. Ces quatorze nouvelles des débuts de sa carrière permettent de revenir sur la genèse d’un talent hors norme, confirmé depuis par les chefs-d’œuvre que sont Le syndrome du scaphandrier, La Planète des Ouragans ou encore La nuit du bombardier.

 

J’ai découvert Brussolo il y a longtemps à travers ses thrillers, que j’avais adoré. Une lecture en SF m’avait par contre découragée de lire l’auteur dans ce style. Quand Livraddict a proposé ce recueil de nouvelles en partenariat, je me suis dit que c’était l’occasion de réessayer. Un grand merci à Livraddict et à FolioSF de m’avoir offert cette opportunité.

 

Mon ressenti :

Ces nouvelles bien que toute différentes forme une belle unité. Pour une fois, je vais donc parler d’un recueil de nouvelles de façon global, puis je dirais quelques mots sur chacune.

Quel que soit le texte, l’auteur arrive à faire plonger le lecteur dans un univers sombre et angoissant. Brussolo nous tient en haleine, je dirais même maintient un certain niveau de stress et d’anxiété, jusqu’à la fin de l’histoire. Il dépeint avec une grande efficacité des villes à moitié abandonnée, des civilisations décadentes où une partie de l’humanité est l’esclave de l’autre partie. Il nous emmène dans des bâtiments immenses et angoissants. Vous l’aurez compris, la bonne humeur et la joie ne sont pas au menu. Comme si tout cela ne suffisait pas, Brussolo introduit à chaque fois une deuxième histoire dans l’histoire, sorte de ressort narratif qui ne laisse aucune chance aux protagonistes. Tout cela est mené de main de maître et le lecteur ne sait jamais à quoi s’attendre.

  • Vue en coupe d’une ville malade

Le recueil démarre en fanfare avec cette nouvelle, qui vous donne envie de camper plutôt que d’habiter dans une maison (pour éviter de se faire absorber par la maison). L’idée de départ est très riche et est bien développée dans la nouvelle.

  • La mouche et l’araignée

Voici une nouvelle bien surprenante et glauque à souhait. Brrr.

  • La sixième colonne

Camp de la mort ou vision du futur ? Ce texte nous fait réfléchir sur la maîtrise des populations et les risques de l’uniformisation. Un texte court (10 pages) mais très dense.

  • Comme un miroir mort

Je n’ai pas du tout accroché avec cette nouvelle, qui ressemble plus à un résumé d’un texte beaucoup plus grand. La fluidité présente dans les autres textes ne se retrouve pas ici.

  • Soleil de soufre

Brussolo invente une société très étonnante basée sur le culte du feu. Les descriptions oscillent entre esthétisme et horreur. L’idée de départ pourrait être basique, mais l’auteur va tellement loin quand il dépeint cette société, même l’art est traité, que cette nouvelle n’a plus rien d’anodin.

  • … de l’érèbe et de la nuit

Encore une société très glauque, où les hommes sont enchaînés, mais d’une manière bien particulière, à travers le sommeil. J’ai trouvé l’idée géniale. Une nouvelle qui laisse encore de la place à du développement, il y aurait largement de quoi faire un roman.

  • Mémorial in vivo

A nouveau un texte qui m’a fait penser à la Shoah. Je l’ai trouvé trop court, j’aurais souhaité avoir des bribes d’explication : à quoi servent les expériences menées sur les hommes, dans quel but ?

  • Off

J’ai adoré l’idée de départ où le contrôle de la population se fait via le contrôle du bruit. Par contre j’ai trouvé que la fin partait un peu en vrille.

  • Anamorphose ou les liens du sang

Là j’avoue que j’ai eu du mal à suivre l’histoire.

  • Funnyway

Brussolo aurait-il un esprit un peu tordu pour inventer autant d’horreur? Jeux des arènes? Prison? Contrôle de la population? En tout cas cette course cycliste sans fin, où la pluie est faite d’acide, où la pause est impossible pour cause de mort violente, est atroce.

  • Subway, éléments pour une mythologie du métro

Dans cette nouvelle, les bases d’une histoire qui pourraient être développée dans un roman sont posées. On ne peut pas se satisfaire de cette histoire, trop courte pour tout ce qui est abordé (où est la fille-ville? Que devient subway? Quelle est la raison de ce métro?).

  • « Trajets et itinéraire de l’oubli »

La couverture illustre cette nouvelle. Celle-ci est déroutante, sans vraiment de fin. On est écrasé par le gigantisme de ce musée dans fin.

  • Visite guidée

J’ai beaucoup apprécié ce texte, qui si le lecteur le souhaite, lui donne beaucoup de pistes pour réfléchir sur l’avenir de notre civilisation. Les nouvelles minorités ici sont des mutants, résultats d’irradiations.

  • Aussi lourd que le vent…

Une de mes nouvelles préférées dans ce recueil. Ici le genre est plutôt fantastique au départ pour tourner ensuite à la science fiction. L’auteur se sert d’un fond imaginaire pour traiter des relations entre humains. Les comportements décrits : violence, lynchage, auraient pu aussi bien tenir place dans une chronique contemporaine.

Au final une lecture qui m’a pris un peu de temps, chaque univers étant très riche, mais aussi si noir, que j’ai eu besoin d’alterner avec une lecture plus légère. Un très bon recueil de nouvelles qui vous fera frissonner et vous interroger sur l’humanité. Quant à moi j’ai terminé ma lecture sur cette question : mais où va-t-il chercher tout ça?

 

Un extrait :

« Le métro trace sous nos pieds une carte du cosmos, et les voyageurs moites et fatigués que les rames cahotantes véhiculent comme des bêtes convoyées vers l’abattoir, ignoreront toujours qu’ils viennent de quitter Mars, entrent dans l’orbite de Saturne, ou plongent dans le vide glacé et noir des tunnels vers la lointaine Pluton. »

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